LIBYE : UNE CATASTROPHE NATURELLE SOULÈVE D’AUTRES QUESTIONS

Après le séisme dévastateur survenu dernièrement au Maroc, dont le nombre de victimes n’est pas encore officiellement connu, les inondations qui ont frappé la Libye, signent en raison de leurs dramatiques conséquences humaines et matérielles, une sinistre période.

À en croire le bilan que dresse aujourd’hui la Croix Rouge, cette catastrophe a déjà fait plus de 5.300 morts et provoqué le déplacement de plus de 30.000 personnes hommes, femmes et enfants, pris au piège dans une région sinistrée.

Qu’il s’agisse de tremblements de terre comme d’inondations, ces évènements meurtriers portés à notre connaissance à travers des scènes de désolation qu’il est donné de voir, ont de quoi émouvoir et choquer.

Ils permettent également d’aborder un sujet d’une tout autre nature concernant la Libye.

Car, la tempête Daniel est survenue peu de temps après que le Premier ministre libyen Abdel-Hamid Dbeibah ait exprimé, le 4 septembre dernier, son soutien au rôle des femmes dans la gouvernance locale.

En affirmant lors de la seconde édition du Forum pour les membres féminins des Conseils municipaux à Tripoli, la capitale libyenne, organisée par le ministère libyen de la Gouvernance locale: « Le gouvernement n’a pas hésité et n’hésitera pas à soutenir les femmes », il s’est engagé à renforcer le rôle et les droits des Libyennes.

Le chef du gouvernement a mis l’accent sur son appui au rôle joué par les femmes dans la prestation de services pour le développement local dans ce pays qui compte de 6 903 454 habitants, dont 50,57% d’hommes et 49,42 % de femmes.

Ce forum de deux jours, avait pour objectif d’élire des comités techniques spécialisés pour mettre en œuvre la vision du Premier ministre de promouvoir la participation des femmes dans l’administration locale et la prise de décision.

Des exilés et migrants qui très nombreux périssent en cherchant à fuir le pays, il ne pouvait être question.

Il est vrai qu’en 2020, un espoir s’est emparé d’étudiantes, employées ou enseignantes libyennes souhaitant se frayer un chemin vers la liberté, dans un pays miné par la guerre.

Plutôt que de fuir leur pays, elles ont choisi de militer en faveur des droits de la femme, pour une citoyenneté d’égale à égal avec les hommes.
Faisant fi des réticences d’une société patriarcale et bravant tous les obstacles, elles se sont engagées au sein d’associations pour renforcer le rôle des femmes dans la société civile, encore embryonnaire dans ce pays, pour faire bouger les lignes.

L’occasion d’évoquer le projet EU4PSL, financé par l’Union européenne et mis en oeuvre par Expertise France, qui vise à soutenir le rôle des jeunes et des femmes dans l’économie libyenne et à réaliser l’autonomisation des femmes à travers l’appui à l’entrepreneuriat.

Ce programme de communication régional de l’Union européenne pour le voisinage Sud, baptisé programme EU Neighbours South, a permis à plusieurs Lybiennes de bénéficier d’une formation en développement des compétences pour la société civile libyenne. En offrant la possibilité d’acquérir des connaissances et d’améliorer la compréhension du public de l’UE et de ses politiques, il a permis de renforcer les actions de communication stratégique et la résilience contre la désinformation dans le voisinage Sud.

Mais la société libyenne n’accepte visiblement pas encore le changement.

Signé en octobre 2021 avec l’ONU pour améliorer les conditions de la femme en Libye, l’accord-cadre garantissant l’adoption d’un programme national de promotion de la place de la femme dans la société a été définitivement rejeté. Signataire pour la Libye, la ministre de la Femme, Houriya Torman, a été fortement attaquée et accusée d’enfreindre la loi islamique ce qu’elle a catégoriquement réfuté. Mais sans succès. La position de plusieurs juristes et défenseurs des droits de l’homme n’a pas pesé non plus.

L’annulation de cet accord-cadre s’inscrit dans un contexte particulier. Celui d’une Libye post-révolutionnaire sous tension où la priorité d’apaisement prime sur la défense des droits des femmes.
Derrière le rejet juridique de l’accord-cadre se profile l’émergence d’une opinion islamiste qui a connu sous l’ère de la dictature la persécution et joue désormais un rôle d’influence non-négligeable. La réouverture du jeu politique depuis la chute de la dictature, les deux guerres civiles, et les tensions qui perdurent aujourd’hui ont été le catalyseur de leur idéologie qui a pu se manifester plusieurs fois en opposition avec le droit des femmes.

La conséquence directe de L’annulation de l’accord-cadre est l’instrumentalisation du droit des femmes libyennes comme variable d’ajustement entre partis politiques. La promotion du statut de la femme libyenne perd en importance devant ces calculs politiciens.

Par ailleurs, des experts des Nations unies ont récemment condamné la politique du gouvernement libyen qui empêche les femmes de voyager à l’étranger sans être accompagnées d’un homme. Or, cette mesure avait été édictée environ trois mois auparavant, quasiment en catimini par le gouvernement d’Abdel Hamid Dbeibah, basé à Tripoli et qui partage le pouvoir avec un gouvernement parallèlement, basé dans l’Est libyen.

En mai 2023, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies pour la Libye, Abdoulaye Bathily avait appelé, les acteurs libyens à associer les jeunes et les femmes à tous les niveaux de prise de décision. Un message qui n’a de toute évidence pas été entendu.

Nous vous remercions de l’intérêt que vous portez à nos informations. Pour encourager Women eLife à faire toujours plus et mieux, nous vous invitons à soutenir ce magazine féminin indépendant ouvert sur le monde à partir de 1 € seulement – cela ne prend qu’une minute et est totalement sécurisé.
Si vous en avez la possibilité, pensez à nous soutenir avec un montant régulier chaque mois. Pour faire un don, il vous suffit de cliquer sur l’image lien figurant ci-dessous. Avec nos très sincères remerciements

Laisser un commentaire