QUESTION À XI JINPING : QU’EST DEVENUE CHAI JING’S ?

Comme un caillou plat lancé dans une eau trouble, certains sujets connaissent un effet rebond à l’instar de celui qui avait trait, vendredi dernier, à la liberté de la presse.

Il est vrai que Women e Life a pour habitude de se poser un tas de questions.

Aussi, la visite d’État de deux jours en France de Xi Jinping, président de la République populaire chinoise, qui a été accueilli en grandes pompes par Emmanuel Macron et s’annonce nourri d’échanges sur nombre de sujets délicats, conduit-elle votre magazine féminin indépendant ouvert sur le monde à s’interroger sur le sort de Chai Jing’s.

Suite à la naissance de sa fille atteinte d’une tumeur, cette journaliste chinoise avait mené une enquête pendant plus d’un an sur les problèmes environnementaux de la Chine, et dépensé presque un million de yuans (167 000 dollars) pour produire un documentaire intitulé : » Sous le dôme », sorti en 2015.

Diffusé gratuitement sur internet, ce documentaire sur la pollution, l’un des éléments de sensibilisation à l’environnement les plus importants jamais réalisés en Chine, a été vu 200 millions de fois quelques jours seulement après sa première diffusion, avant d’être censuré par les autorités quelques jours plus tard.

Basé sur son histoire très personnelle et puissante à laquelle des millions de personnes en Chine ont pu s’identifier, son documentaire pouvait jouer un rôle important dans la démarche cruciale mais difficile de la Chine vers la durabilité au cours des 20 prochaines années.

En associant des questions scientifiques et politiques complexes dans un récit cohérent et convaincant, elle avait permis aux Chinois ordinaires de se joindre pour la première fois à un débat politique.
Son documentaire avait même conduit les plus cyniques et indifférents à exprimer leur désir de se joindre à la lutte contre la pollution.

Mais depuis, un silence assourdissant s’est emparé du sort de Chai Jing’s et de son sujet que le pouvoir chinois se montre peu enclin à exposer au grand jour.

Or, à bien y regarder, la Chine se heurte à plusieurs problèmes récurrents.

Certes, en lançant officiellement la « guerre à la pollution », le pays a fermé des dizaines de centrales à charbon et déplacé des unités d’industrie lourde, afin de lutter contre le smog étouffant la plupart de ses grandes agglomérations, particulièrement en hiver.

Toutefois, en dépit d’une baisse continue des PM2,5 relevées dans l’air, ce résultat est resté très insuffisant au regard des normes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui estime qu’une exposition prolongée à des taux excessifs de PM2,5 peut déclencher des accidents vasculaires cérébraux, des maladies cardiaques, des cancers du poumon et des maladies respiratoires..

Bien que le pays ait lancé sa campagne de « guerre à la pollution », en 2013, la qualité de l’air en Chine s’est dégradée pour la première fois en 2023.
En cause, une « augmentation générale des émissions d’origine humaine », couplée à des « conditions météorologiques défavorables », émanant de relevés officiels.

Un autre phénomène explique la situation actuelle. Elle rejoint en cela, l’un des sujets qu’abordera sans nul doute Emmanuel Macron avec son homologue chinois et concerne la production et l’exportation des produits « made in China ».

Car après les restrictions drastiques imposées en Chine en raison de la pandémie de Covid-19, qui avait provoqué un fort ralentissement de l’activité, ces dernières ont bel et bien été levées.

Et récemment, un épisode de pollution aiguë dans le nord de la Chine a conduit les autorités à demander aux habitants de restreindre leurs activités en plein air, les normes de l’OMS ayant été dépassées de plus de vingt fois à Pékin, selon l’organisme indépendant IQAir.

Or, la Chine qui est le plus grand émetteur brut de gaz à effet de serre au monde, demeure très dépendante du charbon, source d’émissions de PM2,5, mais aussi de CO₂.

De plus, l’autorisation accordée récemment par Pékin pour la création de nouvelles centrales à charbon, conduit à douter de l’ambition visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 au plus tard en vu d’une neutralité carbone en 2060.

Quoi qu’il en soit, force est de constater que le documentaire de Chai Jing’s qui dénonçait les menaces santé liées à la pollution de l’air en Chine, avait le grand mérite de parler vrai, de sensibiliser le peuple chinois, et d’appeler le pouvoir à corriger les défauts majeurs d’une stratégie économique et industrielle finalement destructrice.

On aimerait aujourd’hui être rassurés et obtenir quelques nouvelles de cette journaliste d’investigation dont le travail ne doit pas se perdre dans un mauvais cloud.

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