FEMMES ET JEUNESSE NE VEULENT PLUS ÊTRE LES LAISSÉES POUR COMPTE DE LA POLITIQUE TURQUE

Compte tenu du nombre d’erreurs déjà constaté lorsque des instituts de sondages ont prédit les résultats d’élections, il fallait être assez naïf pour croire ce que ces derniers laissaient entendre, à savoir que Recep Tayyip Erdoğan, Président de la Turquie depuis 20 ans, serait battu dés le premier tour par le candidat de l’opposition, Kemal Kiliçdaroglu.

En attendant les résultats du second tour, le 28 mai, on est en droit de s’interroger sur les pouvoirs de l’animal politique qu’incarne cet homme qui a entre autres créé en 2002 le Parti de la justice et du développement (AKP).

Avec un taux de participation record de 90%, les 60 millions d’électeurs et électrices appelés à voter avaient pourtant quelques raisons de juger la situation de la Turquie critique sur fond de crise économique, inflation vertigineuse, dévaluation de la livre, flambée des loyers, corruption, sans oublier le séisme qui a fait plus de 45 089 morts dans le pays.

Women eLife a donc voulu en savoir plus concernant la position et situation des femmes turques.

Et tout d’abord rappeler que Tansu Çiller fût la première et seule femme à avoir exercé la fonction de Premier ministre, de 1993 à 1996. Par ailleurs, jusqu’en 2017, seulement 22 femmes ont été ministres depuis le début de la République.

Aujourd’hui, la population turque compte 83 154 997 habitants, dont 50,1% sont des hommes (42 428 101 personnes) et 49,9% sont des femmes (42 252 172 personnes).

Premières victimes de la violente crise économique qui frappe la Turquie, les femmes ne représentent qu’un tiers de la population active. D’où l’intervention d’associations et d’entreprises sociales pour leur insertion.

Bien que la population active ait augmenté entre 2020 et 2021, et représente désormais 67,9% de la population totale, les femmes sont les premières victimes de la récession : 16,6 % d’entre elles cherchent un travail, contre 11,7 % des hommes, d’après l’Institut turc des statistiques (TÜIK).

Outre les demandeurs d’emploi, près de 12 millions de personnes ne cherchent pas de travail, et les femmes sont trop occupées à s’occuper de leur foyer.
Aujourd’hui au sein du gouvernement Erdoğan IV, le gouvernement ne compte qu’une femme. Née en 1972 à Osmaniye en Turquie, Derya Yanık est une femme politique turque, ministre de la famille et des services sociaux depuis 2021.

La proportion de la population en âge de travailler est encore suffisamment importante pour que la Turquie bénéficie d’un dividende démographique avec un niveau d’éducation croissant. La proportion de la population âgée de plus de 25 ans ayant suivi un enseignement universitaire ou supérieur est passée de 9,1 % en 2008 à 20,8 % en 2019.
Cette fenêtre d’opportunité nécessite que le capital humain soit utilisé au maximum de ses capacités. Cependant, en 2022, 27,1 % des jeunes (15-24 ans) n’étaient ni en études ni en emploi (NEET). En outre, le chômage a atteint son plus haut niveau dans l’histoire de la république en 2020 et le taux d’emploi des femmes stagne autour de 30 % depuis des années.

Pourtant, certains faits concernant la place et le rôle des Femmes en Turquie méritent d’être rappelés.

Le mouvement féministe en Turquie a pris ses racines dès les dernières années de l’empire ottoman. Atatürk a été un ardent promoteur des droits des femmes. Il a ainsi donné le droit de vote aux femmes turques en 1934, 11 ans avant les Françaises !
Elles ont eu ensuite rapidement le droit de se présenter aux élections : 10 femmes sont ainsi entrées au parlement en tant que députés en 1935. Mais cette ouverture encourageante ne s’est par la suite pas confirmée.

En dépit des notables avancées constatée à partir de 2012, sous la pression de mouvements féministes turques, un brutal revirement spectaculaire a eu lieu avec le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul en 2021, ce traité étant accusé de mettre en danger « la structure familiale ».
 De plus, force est de constater que sous le gouvernement de l’AKP, le nombre des féminicides n’a cessé d’augmenter chaque année.

Il n’en demeure pas moins vrai que les femmes d’affaires sont bien représentées dans la vie professionnelle turque.

Tout d’abord, Arzuhan Dogan Yalcindag, PDG du groupe de médias Dogan TV-Radio et créatrice de l’association des Femmes Chefs d’Entreprise, est la dirigeante du patronat turc, le Tusiad.

Suzan Sabanci Dinçer, quant à elle, est à la tête de Akbank qui compte 30.000 employés et réalise un chiffre d’affaires annuel de 7 milliards d’euros.

Zeynep Fadillioglu, architecte renommée, s’est pour sa part vue confier récemment la conception et la décoration d’une mosquée, une grande première pour une femme en Turquie.

Toutefois, si depuis des années, Erdoğan et son parti islamo-conservateur, l’AKP, ont su capter le vote féminin, l’usure du pouvoir et la crise économique, conduisent de nombreuses électrices à douter du possible.
Au vote des femmes, il convient d’ajouter celui de la jeunesse turque qui cherche une nouvelle respiration.

Dans un pays vieillissant sur le plan démographique, Erdoğan qui a su conserver le soutien de la population rurale, y compris dans les zones sinistrées par le séisme catastrophique sur le plan humain et matériel, a inévitablement à l’esprit que la jeunesse et les femmes turques partagent espoir et inquiétude, et souhaitent qu’une autre politique soit menée.
Une vérité qui peut se résumer en un proverbe turque : « Un anneau d’or ne corrige pas le défaut de l’ongle. »

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