ET SI NOUS PARLIONS GROS SOUS ET RELANCE ÉCONOMIQUE

Laurence Boone, qui dirige la direction économique de l’OCDE basée à Paris depuis 2018, soulève dans un article paru ce jour dans le Financial Times une question sonnante et trébuchante que tout le monde se pose légitimement en France comme à l’étranger : « d’où vient tout cet argent injecté pour soutenir les économies ? »
Car toutes les aides financières qui ont été apportées devront quoi qu’il advienne être remboursées, d’une façon ou d’une autre.

Qu’il s’agisse entre autres du super plan de relance européen de 750 milliards d’euros, du plan d’urgence conclu au Congrès américain de 900 milliards de dollars après un plan de 2000 milliards de dollars au printemps, les chiffres donnent le tournis.

En admettant que la crise sanitaire prenne fin cette année grâce aux vaccins, les mesures de soutien qui ont été prises pour faire face aux lourdes conséquences économiques et sociales de la pandémie ont donné lieu à l’injection de milliards d’euros et de dollars qui ne s’effaceront pas d’un trait de plume. Il n’y pas d’ardoise magique !

Le « quoi qu’il en coûte  » prononcé par Emmanuel Macron en mars 2020, qui s’est traduit par la mise en place de mesures exceptionnelles destinées à sauver le tissu économique et l’emploi, laisse planer le doute sur l’appel à une contribution citoyenne visant à renflouer les caisses. Qui paiera cet effort financier sans précédent ?

Face à cette question, on comprend que l’économiste en chef de l’OCDE mette en garde contre une nouvelle politique d’austérité ou des hausses d’impôts, les gouvernements cherchant à ramener rapidement les déficits et la dette aux niveaux d’avant la pandémie.

Il n’y pas de miracles à attendre !

Et Laurence Boone, a raison de préciser qu’au vu du montant des dépenses occasionnées, les gouvernements auront du mal à faire valoir qu’ils ne peuvent pas dépenser pour lutter contre le changement climatique ou pour indemniser ceux qui se présentent comme les perdants ou les oubliés des réformes politiques.

Alors bien sûr, certains éléments se veulent rassurants

En France, en dépit d’un endettement qui a atteint 120% du PIB en 2020, les taux d’intérêt des obligations de l’Etat français restent bas et même négatifs jusqu’aux échéances de dix ans. Il n’y a donc pas péril en la demeure.
A titre de comparaison, au Japon, un pays dont la santé économique n’inquiète personne, la dette publique atteint près de 240% du PIB.
Quant aux Etats-Unis, ils ne s’en sortent pas si mal puisque le niveau d’endettement est seulement de 100%.

L’économiste en chef de l’OCDE constate que les gouvernements et les banques centrales du monde développé ont déployé des mesures de relance sans précédent dans le but de protéger leurs économies de l’impact massif de la pandémie.

Mais personne n’est dupe !
Tout emprunt se rembourse.
C’est là que le mot « confiance » devient clé.

C’est d’ailleurs ce qu’explique Laurence Boone lorsqu’elle déclare : «Votre dette est viable lorsque les gens font confiance à vos institutions et que les décideurs politiques tiennent leurs promesses. »

Elle précise que les banques centrales devraient toujours jouer un rôle en veillant à ce que les gouvernements n’augmentent pas la demande au point que l’inflation devienne une menace pour le progrès économique et le niveau de vie.
Mais quoi qu’il en soit, face à l’endettement si plusieurs réponses sont possibles. Et il apparaît clair que la meilleure consisterait en un retour rapide de la croissance forte pour payer au moins les échéances de la dette.

En réalité, en dehors de l’endettement, deux instruments sont à regarder de près: la politique monétaire, et la politique budgétaire.

La politique monétaire est l’action par laquelle l’autorité monétaire, en général la banque centrale, agit sur l’offre de monnaie dans le but de remplir son objectif de triple stabilité, qu’il s’agisse des taux d’intérêt, des taux de change et des prix.

La politique budgétaire et fiscale menée par les Etats consiste pour sa part à agir sur les dépenses et les recettes. Elle vise à réguler la conjoncture et à rechercher des grands équilibres. Cette régulation peut consister en la mise en place de relance de l’activité économique par la demande et l’investissement.

C’est là que les pistes concernant la création d’entreprises, l’innovation, mais aussi le rapatriement en France d’activités économiques délocalisées à l’étranger touchant aussi bien le secteur pharmaceutique, la confection, l’automobile, les nouvelles technologies… peuvent s’avérer bénéfiques et provoquer un retour de croissance forte.
A condition toutefois – et c’est bien là que se situent les principales difficultés – que nous disposions des compétences requises, et que les coûts des emplois comme ceux des produits fabriqués made in France ne génèrent pas au final une reprise de l’inflation tant redoutée.

Laurence Boone fait preuve de réalisme lorsqu’elle déclare : «Quand vous regardez la commission de la dette en France ou au Royaume-Uni, l’examen des dépenses ou les discussions en Allemagne, je ne suis pas sûr du tout que les décideurs aient fait un saut dans un nouveau cadre conceptuel de viabilité de la dette. Il appartient aux organisations internationales et aux ministères des finances de commencer à y réfléchir dès maintenant. »

« Cent fois sur le métier remettez votre ouvrage »: cette citation du poète, écrivain et critique français Nicolas Boileau qui signifie que c’est dans les choses qu’on aura travaillées et retravaillées inlassablement qu’on pourra briller et exceller, s’applique sans nul doute avec acuité en cette nouvelle décennie.

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