LE PROCÈS CONTRE L’ÉGALITÉ DES GENRES EN TURQUIE REPORTÉ

L’information qui a été publiée hier sur Women e Life, dont il vous est possible de prendre connaissance ci-dessous, nécessite une précision de dernière minute très importante.
Le procès de l’une des plus actives associations de défense des droits des femmes de Turquie, accusée d’activités « immorales » a finalement été ajourné jusqu’en octobre, peu après son ouverture mercredi 1er juin.

Cette relative bonne nouvelle, ne doit pas masquer les réalités qui entourent ce procès en dissolution de la principale association féministe du pays.

Baptisée « We Will Stop Feminicide », cette ONG se montre depuis 2010, date de sa création, très active dans la défense des droits des femmes. Elle dénonce une situation intolérable, 280 femmes ayant été tuées en 2021, en plus de 217 autres mortes dans des circonstances suspectes, notamment celles présentées comme des suicides.
Cette association a bien évidemment organisé plusieurs manifestations pour demander le maintien de la Turquie dans la Convention d’Istanbul, un traité international établissant des règles pour parer les violences sexistes, dont le pays s’est retiré en 2021.

Mais à un an d’élections qui s’annoncent d’ores et déjà très tendues, le président Recep Tayyip Erdogan accélère la répression de ses opposants au sein de la société civile, les droits des femmes étant dans le collimateur du pouvoir.

Pourtant, en novembre 2021 l’International Gender Equality Prize (IGEP) qui a pour objectif de décerner cette distinction à une organisation ou un projet « visant à promouvoir l’égalité des genres et à encourager le débat sur l’égalité à l’échelle mondiale, avait été remis par Sanna Marin, Première ministre finlandaise, à Gülsüm Önal, cofondatrice, présidente et représentante générale de We Will Stop Femicide Platform, et à Fidan Ataselim, cofondatrice et secrétaire générale de cette ONG.

Après avoir appris mi-avril qu’un procès allait s’ouvrir pour « activités contraires au droit et à la morale », Fidan Ataselim n’a pas manqué de faire part de sa colère au regard d’une telle décision.

Elle y voit une nouvelle étape dans la répression de la société civile qui est loin de se limiter au mouvement féministe.
Elle précise en outre : « On voit clairement que les pressions augmentent à l’approche des élections. Je crains que malheureusement, d’ici là, le pouvoir ait l’intention d’alimenter un climat de peur contre toutes les franges de la société civile qui s’opposent à lui.»

Mais comment une ONG qui s’attache à fournir une assistance juridique aux femmes ayant besoin d’être protégées contre la violence, soutient les familles des femmes ayant perdu la vie par suite de violences et plaide pour des changements législatifs destinés à protéger les femmes en Turquie, a-t-elle pu se retrouver au tribunal et être menacée de dissolution ?

En réalité, des plaintes déposées par des particuliers qui reprochent aux membres de l’association de « détruire la famille au prétexte de défense des droits des femmes » et d’autres l’accusant « d’insultes envers le président », pour avoir publié des rapports sur les féminicides ou lancé des appels aux responsables politiques pour qu’ils agissent contre l’impunité des auteurs de violences sexistes, sont à l’origine de ce procès.

Envoyées à la présidence turque par le biais d’un site web destiné à collecter les requêtes et plaintes des citoyens, Fidan Ataselim tient à souligner que ces plaintes reprennent « la terminologie des détracteurs de la Convention d’Istanbul ».

Sans doute faut-il rappeler comment le gouvernement turc avait justifié sa décision de se retirer de la convention d’Istanbul. Il était reproché à ce traité d’encourager l’homosexualité et de menacer la structure familiale traditionnelle très active pour la défense des droits des femmes.

La promotion de l’égalité des genres dans le monde n’est pas au bout de ses peines, même si on se doit de garder espoir en regardant la situation de la Finlande qui a valeur de modèle depuis plus d’un siècle.

Dès 1882, les femmes finlandaises se sont vu reconnaître le droit d’accéder à des formations universitaires diplômantes, ces réformes soulignant le rôle pionnier du pays en faveur de l’égalité des genres et de l’éducation pour tous.

En 1906, la Finlande est devenue le premier pays au monde à accorder l’ensemble de leurs droits politiques et civiques aux femmes en adoptant une loi autorisant toutes les Finlandaises à voter et à se présenter à des élections.

Tout tend à démontrer que la mise en pratique de l’égalité sociale et économique, passe par l’abolition au sein de sociétés des sujets tabous.

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