LAURA CODRUTA KÖVESI PROCUREURE GÉNÉRALE DU PARQUET EUROPÉEN

Il faut tout de même un certain courage à cette Roumaine de 33 ans pour occuper le poste qu’elle s’est vu confier par l’Union européenne.
Victime de conspirations dans son propre pays où son efficacité lui a valu bien des inimitiés, cette ancienne cheffe du parquet anti-corruption de Roumanie va avoir fort à faire.

Première femme procureure générale, Laura Codruta Kövesi dirige depuis le 1er juin le bureau central de l’institution chargée d’enquêter sur l’usage du budget, des subventions et des fonds européens, la corruption, le blanchiment d’argent, et la fraude transfrontalière à la TVA lorsqu’elle dépasse 10 millions d’euros.
C’est sans doute ce qui explique que la création de cette institution a demandé plus de 20 ans.

Auparavant l’Office européen de lutte anti-fraude (OLAF) était chargé de surveiller l’utilisation des fonds européens.
Toutefois, sa mission se limitait à la transmission des résultats de ses enquêtes aux différents systèmes judiciaires nationaux et consistait à recommander l’ouverture de poursuites.

Désormais, le parquet européen pourra mener des enquêtes, entamer lui-même des poursuites devant les juridictions nationales et y assumer le rôle du ministère public lors des procédures.

Alors que l’Union européenne se prépare à débloquer des centaines de milliards d’euros pour son fonds de relance, mais aussi pour le budget européen sur sept ans, les risques de fraudes mais aussi les actions d’organisations criminelles pour s’emparer d’une partie de cet argent apparaissent assez évidents.
D’où la nécessité de protéger ces fonds européens afin qu’ils soient utilisés à bon escient.

Non, Laura Codruta Kövesi, procureure générale n’est pas seule. 88 autres procureurs représenteront le parquet européen à travers l’Europe qui siégera à Luxembourg comme la Cour de Justice de l’UE. L’occasion de préciser que la Hongrie, la Pologne ne sont pas membres du Parquet européen, ainsi que la Suède, le Danemark et l’Irlande.

Quoi qu’il en soit, la corruption existe dans quasiment tous les pays et pas uniquement au sein des États membres de l’UE. Et visiblement le degré d’implication des autorités locales dans la lutte anti-corruption revêt une grande importance.
L’occasion de rappeler que si France a adopté des lois pour lutter contre le fléau, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont été historiquement les premiers pays à s’atteler à la lutte contre la corruption, en réaction à de retentissants scandales.

Nous ne revivront pas ici sur la loi dite FCPA qui criminalise la pratique sur la base de la corruption. Modifiée en 1988 puis en 1998, on retiendra qu’elle est devenue depuis, par-delà son objet de lutte contre la corruption, une véritable arme de guerre économique pour les Etats-Unis.
Du fait de leur application extraterritoriale et de leur interprétation très extensives par les autorités américaines, les lois anti-corruption américaines s’imposent aujourd’hui à l’ensemble des banquiers de la planète ou presque.

Certes, les pays d’Europe font partie des meilleurs « élèves » du classement mondial de lutte contre la corruption élaboré annuellement par Transparency International, bien que leur situation reste disparate.
Ce classement retient des critères de corruption propre au secteur public.

En 2020, le Danemark occupe le premier rang des pays les moins corrompus. La Finlande et la Suède sont 3ème ex aequo, l’Allemagne, la Belgique, la France, l’Espagne et l’Italie se situent respectivement 9ème, 15ème, 23ème, 32ème et 52ème places de ce classement sur 180 pays.
Il n’en demeure pas moins que des progrès restent à faire. L’Allemagne a ainsi été pointée du doigt dernièrement par le Conseil de l’Europe concernant un manque de transparence sur les risques de conflits d’intérêt publics.
Il en est de même pour la France qui après avoir reculé de deux places dans le classement Transparency International en 2019 se maintient cette année à la 23ème place et à laquelle le GRECO (Groupe d’États contre la corruption du Conseil de l’Europe) demande d’intensifier ses efforts de lutte contre la corruption.

En France, la corruption est définie par le Code pénal qui définit de manière détaillée les actes concernés dans la sphère publique mais aussi dans le secteur privé.

Comme le soulignent des experts anti-corruption* : « La lutte contre la corruption se doit d’être menée aujourd’hui à un niveau international.
La réussite de cette action passe nécessairement par l’intensification des coopérations entre instances internationales et autorités nationales et, si elle devenait possible, par la création d’une véritable instance judiciaire internationale incriminant ces actes.
Selon eux :  » la sensibilisation de l’opinion publique, la prise de conscience du monde économique et financier peuvent également devenir de puissants leviers de lutte contre la corruption internationale. »

De quoi mesurer l’importance du rôle qui revient désormais à Laura Codruta Kövesi en qualité de procureure générale du Parquet de l’UE.

*Jean-Jacques Bernard et Anne Brouard

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