LA CONVENTION D’ISTANBUL SACRIFIÉE EN TURQUIE

Décidément le président turc Recep Tayyip Erdogan, prend beaucoup de décisions fracassantes dans différents domaines, ces derniers temps.

Vendredi dernier, il limogeait Naci Agbal gouverneur de la banque centrale turque provoquant l’inquiétude des marchés.
Une décision qui s’est traduite par un plongeon de la livre turque, face au dollar, et la chute de la Bourse d’Istanbul.

Sans entrer dans le détail, la nomination de Sahap Kavcioglu, économiste et ancien député du parti au pouvoir, à la tête de l’institution est intervenue au lendemain d’un relèvement du taux directeur de la Banque de Turquie de 17% à 19%. Une mesure destinée à freiner l’inflation, qui a atteint 15,6% sur un an en février.

Et samedi dernier, le président Erdogan retirait la Turquie de l’accord international appelé Convention d’Istanbul.
Une décision qui peut apparaître surprenante dans la mesure où la Turquie fût le premier pays à signer cet accord en 2011, ce dernier visant à protéger les femmes et à lutter contre la montée de la violence domestique.

De plus, bien qu’on ne dispose d’aucunes statistiques officielles, celles fournies par l’Organisation mondiale de la santé montrent que 38% des femmes en Turquie sont victimes de violence de la part d’un partenaire au cours de leur vie, contre 25% en Europe.

La Turquie n’est toutefois pas le premier pays à se retirer de la Convention d’Istanbul, le gouvernement nationaliste polonais l’ayant pour sa part jugé trop libéral.

Par ailleurs, force est de constater que cet accord, avait divisé le parti AKP (AKP) au pouvoir d’Erdogan et même provoqué des dissensions au sein de sa famille.

L’année dernière, lors d’une discussion sur la façon de réduire la violence croissante à l’égard des femmes, des responsables avaient déjà laissé entendre que le gouvernement envisageait de se retirer.

De nombreux conservateurs en Turquie et dans l’AKP à racines islamistes d’Erdogan, affirment que le pacte qui a été signé par 45 pays et ratifié par une trentaine, sape les structures familiales, et encourage la violence.

Certains sont également hostiles au principe de l’égalité des sexes de la Convention d’Istanbul et le considèrent comme une promotion de l’homosexualité, favorisant la communauté LGBTQ+ étant donné la non-discrimination du pacte fondée sur l’orientation sexuelle.

Alors que beaucoup dénoncent le manque d’action du gouvernement en termes d’égalité des droits des femmes et de lutte contre les violences sexistes, les manifestations qui ont eu lieu suite au retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul, témoignent de l’impact d’une décision contraire à l’évolution de la société.

Erdogan a beau condamner la violence contre les femmes et préciser qu’il travaillerait pour l’éradiquer, il n’est pas certain que les mesures prises à l’encontre d’hommes violents ou encore le lancement d’une application pour smartphone devant permettre aux femmes d’alerter la police, suffisent à apaiser les légitimes revendications.

Après avoir dévoilé ce mois-ci des réformes judiciaires qui, selon lui, amélioreront les droits et libertés et aideront à respecter les normes de l’UE, il faut admettre que le retrait de la Turquie de la Convention d’Istanbul sonne faux.

Faut-il rappeler que les pourparlers sur l’adhésion de la Turquie à l’UE ont été interrompus pendant des années en raison de différences politiques et du bilan d’Ankara en matière de droits de l’homme ?

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